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Femmes en agriculture : retour du ciné rencontre
Le jeudi 2 juin, CIVAM31 a organisé un ciné-rencontre autour de la place des femmes dans le secteur agricole. Une quarantaine de personnes se sont retrouvées à la salle de cinéma Donjon à d’Aurignac pour a projection du film « Je, tu, elles – femmes en agriculture » réalisé en 2016 par les CIVAM Ardèche et Drôme et la discussion qui en a suivi. Ce film permet de suivre un groupe d'agricultrices qui se retrouvent pour réfléchir sur leurs situations en tant que femmes dans le monde agricole, questionnant leur quotidien et se posant des questions à la fois inconfortables et bouleversantes. La discussion qui suivait le film était modérée par Stéphanie, animatrice au CIVAM31 et coordinatrice du réseau d’entrepreneures et d’agricultrices « Les Frangines ». Invitées pour la discussion étaient deux agricultrices en maraîchage, Agathe des « Jardins du Capelin » et Lucie de « Ferme du Matet », ainsi que Louise, ingénieure-agronome et chargée de mission au CIVAM31 et et Hortense, elle aussi ingénieure-agronome actuellement en service-civique au CIVAM31 et salariée dans une ferme d’élevage caprin.Toutes ont partagé leur expériences sur la situation des femmes dans le milieu agricole en 2022. Répartition des tâches genrées, discriminations subies et stéréotypes véhiculés ont été mélangés à des expériences positives et à des pistes concrètes pour plus d'égalité sur les fermes.
Des stéréotypes et discriminations toujours présentes
Bien que les femmes aient toujours travaillé sur les fermes ce n’est qu’en 1980, avec la loi d’orientation agricole, qu’il y a une reconnaissance de leur travail. Avec ce premier pas les agricultrices ont obtenu des droits sociaux bien qu’elles n’avaient toujours pas de droits professionnels. Pour cela, elles ont dû attendre 2010 et l’ouverture des GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) entre époux, déjà accessible pour les associé.es dès les années 60.La discussion a rapidement abordé la question de la répartition des tâches domestiques et agricoles ainsi que les stéréotypes sur les femmes dans le secteur agricole. Qu’elles soient installées depuis presque 10 ans ou qu’elles viennent juste de finir leurs études, toutes les intervenantes avaient des témoignages à partager à ce sujet. À travers les expériences partagées, on constate que les femmes font face à des situations de discrimination que ce soit en formation, pendant les stages, durant l’installation, et même sur leur propre ferme.
Agathe travaille seule sur sa ferme avec l’aide ponctuelle de son conjoint.
« J’avais bien expliqué au vendeur du terrain que c'était moi qui allais exploiter les terres et créer mon entreprise. Malgré cela, il ne m’adressait jamais la parole, il parlait uniquement à mon conjoint. C’était quand même hyper dévalorisant. ».
Louise et Hortense, qui viennent toutes les deux de sortir d’écoles d’agronomie, ont témoigné de la répartition des tâches genrées pendant leurs stages. On trouvait par exemple légitime de demander à Louise de faire à manger pour tout le monde lorsque les stagiaires hommes continuaient à faire des tâches agricoles et de lui interdire de conduire le tracteur alors que des hommes plus jeunes et qui étaient là depuis moins longtemps le faisaient. « À mon avis cela est le résultat de deux choses : je n’étais pas issue du milieu agricole et en plus, j’étais une femme». Les deux ingénieures agronomes racontent également avoir eu le sentiment d’être mise à l’épreuve - parfois à travers des situations d’humiliation - et de toujours devoir se sur-justifier en présence de collègues et/ou patrons masculins. En conséquence, Hortense des sentir plus à l’aise lorsqu’elle travaille avec des collègues femmes.
Des pistes pour plus d’égalité sur les fermes
Sur la ferme du Matet où travaille Lucie le groupe de maraîcher.ères est constitué de deux femmes et DE deux hommes, organisé.es en GAEC. Le fait de s’installer en GAEC était un choix conscient pour faire en sorte qu’ils et elles aient tou.tes le même statut juridique et touchent le même salaire. De même, la division des tâches est organisée avec l’idée qu’elles et ils peuvent tou.tes se remplacer les un.es les autres. « On essaie de faire l'effort de se mettre un peu sur toutes les tâches. Les femmes aussi conduisent le tracteur par exemple, même si les garçons ont plus d'affinité avec, on y va quand même ! ». Le fait que les deux couples ne vivent pas sur la ferme facilite également l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle. « La ferme c'est vraiment un lieu de travail. On y va avec des horaires de travail et les enfants sont gardés pendant qu’on est au travail et je trouve que ça facilité beaucoup l'égalité. »La non-mixité comme outil d’émancipation
Au sein du réseau CIVAM des groupes de femmes, agricultrices ou entrepreneures, organisés en non-mixité permettent à celles-ci de se retrouver et d’échanger sur leurs situations de femmes rurales. En Haute-Garonne, le CIVAM31 a initié et anime le réseau « Les Frangines », ouvert à toutes les femmes agricultrices, entrepreneures et porteuses de projet en milieu rural.«La non-mixité est un outil qui permet aux femmes de partager des expériences personnelles dans un cadre bienveillant. Au fur et à mesure, se dressent des images collectives qui permettent aux femmes de se rendre compte qu’elles ne sont pas seules à vivre ces expériences. Le réseau a pour vocation de soutenir les participantes pour résoudre des problématiques professionnelles mais aussi privées. »
Stéphanie, animatrice CIVAM31
Au niveau national, le Réseau CIVAM accorde de plus en plus d’importance aux questions ici soulevés, notamment grâce au travail de la commission « Femme/Genre » et au document de positionnement rédigé et adopté en 2021. Le message est clair : Le travail des femmes en milieu rural (qu’il soit agricole ou dans d’autres secteurs) doit être (re)valorisé, le pouvoir équitablement réparti dans les instances de pouvoir (actuellement, une majorité des membres sont des hommes), l’accès à la formation et aux outils facilité pour les femmes et la répartition des tâches plus équitable.
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Femmes en agriculture : retour sur le ciné-rencontre
Femmes en agriculture : retour sur le ciné-rencontre
Date de l'article
15.06.2022
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Le jeudi 2 juin, CIVAM31 a organisé un ciné-rencontre autour de la place des femmes dans le secteur agricole. Une quarantaine de personnes se sont retrouvées à la salle de cinéma Donjon à d’Aurignac pour la projection du film « Je, tu, elles – femmes en agriculture » réalisé en 2016 par le CIVAM Ardèche et la discussion qui en a suivi. Deux agricultrices en maraîchage et deux ingénieure-agronomes de l’équipe du CIVAM31 ont partagé leur expériences sur la situation des femmes dans le milieu agricole en 2022.
Répartition des tâches genrées, discriminations subies et stéréotypes véhiculés ont été mélangés à des expériences positives et à des pistes concrètes pour plus d'égalité sur les fermes.
Répartition des tâches genrées, discriminations subies et stéréotypes véhiculés ont été mélangés à des expériences positives et à des pistes concrètes pour plus d'égalité sur les fermes.
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Le jeudi 2 juin, CIVAM31 a organisé un ciné-rencontre autour de la place des femmes dans le secteur agricole. Une quarantaine de personnes se sont retrouvées à la salle de cinéma Donjon à d’Aurignac pour a projection du film « Je, tu, elles – femmes en agriculture » réalisé en 2016 par les CIVAM Ardèche et Drôme et la discussion qui en a suivi. Ce film permet de suivre un groupe d'agricultrices qui se retrouvent pour réfléchir sur leurs situations en tant que femmes dans le monde agricole, questionnant leur quotidien et se posant des questions à la fois inconfortables et bouleversantes. La discussion qui suivait le film était modérée par Stéphanie, animatrice au CIVAM31 et coordinatrice du réseau d’entrepreneures et d’agricultrices « Les Frangines ». Invitées pour la discussion étaient deux agricultrices en maraîchage, Agathe des « Jardins du Capelin » et Lucie de « Ferme du Matet », ainsi que Louise, ingénieure-agronome et chargée de mission au CIVAM31 et et Hortense, elle aussi ingénieure-agronome actuellement en service-civique au CIVAM31 et salariée dans une ferme d’élevage caprin.
Toutes ont partagé leur expériences sur la situation des femmes dans le milieu agricole en 2022. Répartition des tâches genrées, discriminations subies et stéréotypes véhiculés ont été mélangés à des expériences positives et à des pistes concrètes pour plus d'égalité sur les fermes.
Des stéréotypes et discriminations toujours présentes
Bien que les femmes aient toujours travaillé sur les fermes ce n’est qu’en 1980, avec la loi d’orientation agricole, qu’il y a une reconnaissance de leur travail. Avec ce premier pas les agricultrices ont obtenu des droits sociaux bien qu’elles n’avaient toujours pas de droits professionnels. Pour cela, elles ont dû attendre 2010 et l’ouverture des GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) entre époux, déjà accessible pour les associé.es dès les années 60.
La discussion a rapidement abordé la question de la répartition des tâches domestiques et agricoles ainsi que les stéréotypes sur les femmes dans le secteur agricole. Qu’elles soient installées depuis presque 10 ans ou qu’elles viennent juste de finir leurs études, toutes les intervenantes avaient des témoignages à partager à ce sujet. À travers les expériences partagées, on constate que les femmes font face à des situations de discrimination que ce soit en formation, pendant les stages, durant l’installation, et même sur leur propre ferme.
Agathe travaille seule sur sa ferme avec l’aide ponctuelle de son conjoint.
« J’avais bien expliqué au vendeur du terrain que c'était moi qui allais exploiter les terres et créer mon entreprise. Malgré cela, il ne m’adressait jamais la parole, il parlait uniquement à mon conjoint. C’était quand même hyper dévalorisant. ».
Louise et Hortense, qui viennent toutes les deux de sortir d’écoles d’agronomie, ont témoigné de la répartition des tâches genrées pendant leurs stages. On trouvait par exemple légitime de demander à Louise de faire à manger pour tout le monde lorsque les stagiaires hommes continuaient à faire des tâches agricoles et de lui interdire de conduire le tracteur alors que des hommes plus jeunes et qui étaient là depuis moins longtemps le faisaient. « À mon avis cela est le résultat de deux choses : je n’étais pas issue du milieu agricole et en plus, j’étais une femme». Les deux ingénieures agronomes racontent également avoir eu le sentiment d’être mise à l’épreuve - parfois à travers des situations d’humiliation - et de toujours devoir se sur-justifier en présence de collègues et/ou patrons masculins. En conséquence, Hortense des sentir plus à l’aise lorsqu’elle travaille avec des collègues femmes.
Des pistes pour plus d’égalité sur les fermes
Sur la ferme du Matet où travaille Lucie le groupe de maraîcher.ères est constitué de deux femmes et DE deux hommes, organisé.es en GAEC. Le fait de s’installer en GAEC était un choix conscient pour faire en sorte qu’ils et elles aient tou.tes le même statut juridique et touchent le même salaire. De même, la division des tâches est organisée avec l’idée qu’elles et ils peuvent tou.tes se remplacer les un.es les autres. « On essaie de faire l'effort de se mettre un peu sur toutes les tâches. Les femmes aussi conduisent le tracteur par exemple, même si les garçons ont plus d'affinité avec, on y va quand même ! ». Le fait que les deux couples ne vivent pas sur la ferme facilite également l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle. « La ferme c'est vraiment un lieu de travail. On y va avec des horaires de travail et les enfants sont gardés pendant qu’on est au travail et je trouve que ça facilité beaucoup l'égalité. »
La non-mixité comme outil d’émancipation
Au sein du réseau CIVAM des groupes de femmes, agricultrices ou entrepreneures, organisés en non-mixité permettent à celles-ci de se retrouver et d’échanger sur leurs situations de femmes rurales. En Haute-Garonne, le CIVAM31 a initié et anime le réseau « Les Frangines », ouvert à toutes les femmes agricultrices, entrepreneures et porteuses de projet en milieu rural.
«La non-mixité est un outil qui permet aux femmes de partager des expériences personnelles dans un cadre bienveillant. Au fur et à mesure, se dressent des images collectives qui permettent aux femmes de se rendre compte qu’elles ne sont pas seules à vivre ces expériences. Le réseau a pour vocation de soutenir les participantes pour résoudre des problématiques professionnelles mais aussi privées. »
Stéphanie, animatrice CIVAM31
Au niveau national, le Réseau CIVAM accorde de plus en plus d’importance aux questions ici soulevés, notamment grâce au travail de la commission « Femme/Genre » et au document de positionnement rédigé et adopté en 2021. Le message est clair : Le travail des femmes en milieu rural (qu’il soit agricole ou dans d’autres secteurs) doit être (re)valorisé, le pouvoir équitablement réparti dans les instances de pouvoir (actuellement, une majorité des membres sont des hommes), l’accès à la formation et aux outils facilité pour les femmes et la répartition des tâches plus équitable.
Toutes ont partagé leur expériences sur la situation des femmes dans le milieu agricole en 2022. Répartition des tâches genrées, discriminations subies et stéréotypes véhiculés ont été mélangés à des expériences positives et à des pistes concrètes pour plus d'égalité sur les fermes.
Des stéréotypes et discriminations toujours présentes
Bien que les femmes aient toujours travaillé sur les fermes ce n’est qu’en 1980, avec la loi d’orientation agricole, qu’il y a une reconnaissance de leur travail. Avec ce premier pas les agricultrices ont obtenu des droits sociaux bien qu’elles n’avaient toujours pas de droits professionnels. Pour cela, elles ont dû attendre 2010 et l’ouverture des GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) entre époux, déjà accessible pour les associé.es dès les années 60.
La discussion a rapidement abordé la question de la répartition des tâches domestiques et agricoles ainsi que les stéréotypes sur les femmes dans le secteur agricole. Qu’elles soient installées depuis presque 10 ans ou qu’elles viennent juste de finir leurs études, toutes les intervenantes avaient des témoignages à partager à ce sujet. À travers les expériences partagées, on constate que les femmes font face à des situations de discrimination que ce soit en formation, pendant les stages, durant l’installation, et même sur leur propre ferme.
Agathe travaille seule sur sa ferme avec l’aide ponctuelle de son conjoint.
« J’avais bien expliqué au vendeur du terrain que c'était moi qui allais exploiter les terres et créer mon entreprise. Malgré cela, il ne m’adressait jamais la parole, il parlait uniquement à mon conjoint. C’était quand même hyper dévalorisant. ».
Louise et Hortense, qui viennent toutes les deux de sortir d’écoles d’agronomie, ont témoigné de la répartition des tâches genrées pendant leurs stages. On trouvait par exemple légitime de demander à Louise de faire à manger pour tout le monde lorsque les stagiaires hommes continuaient à faire des tâches agricoles et de lui interdire de conduire le tracteur alors que des hommes plus jeunes et qui étaient là depuis moins longtemps le faisaient. « À mon avis cela est le résultat de deux choses : je n’étais pas issue du milieu agricole et en plus, j’étais une femme». Les deux ingénieures agronomes racontent également avoir eu le sentiment d’être mise à l’épreuve - parfois à travers des situations d’humiliation - et de toujours devoir se sur-justifier en présence de collègues et/ou patrons masculins. En conséquence, Hortense des sentir plus à l’aise lorsqu’elle travaille avec des collègues femmes.
Des pistes pour plus d’égalité sur les fermes
Sur la ferme du Matet où travaille Lucie le groupe de maraîcher.ères est constitué de deux femmes et DE deux hommes, organisé.es en GAEC. Le fait de s’installer en GAEC était un choix conscient pour faire en sorte qu’ils et elles aient tou.tes le même statut juridique et touchent le même salaire. De même, la division des tâches est organisée avec l’idée qu’elles et ils peuvent tou.tes se remplacer les un.es les autres. « On essaie de faire l'effort de se mettre un peu sur toutes les tâches. Les femmes aussi conduisent le tracteur par exemple, même si les garçons ont plus d'affinité avec, on y va quand même ! ». Le fait que les deux couples ne vivent pas sur la ferme facilite également l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle. « La ferme c'est vraiment un lieu de travail. On y va avec des horaires de travail et les enfants sont gardés pendant qu’on est au travail et je trouve que ça facilité beaucoup l'égalité. »
La non-mixité comme outil d’émancipation
Au sein du réseau CIVAM des groupes de femmes, agricultrices ou entrepreneures, organisés en non-mixité permettent à celles-ci de se retrouver et d’échanger sur leurs situations de femmes rurales. En Haute-Garonne, le CIVAM31 a initié et anime le réseau « Les Frangines », ouvert à toutes les femmes agricultrices, entrepreneures et porteuses de projet en milieu rural.
«La non-mixité est un outil qui permet aux femmes de partager des expériences personnelles dans un cadre bienveillant. Au fur et à mesure, se dressent des images collectives qui permettent aux femmes de se rendre compte qu’elles ne sont pas seules à vivre ces expériences. Le réseau a pour vocation de soutenir les participantes pour résoudre des problématiques professionnelles mais aussi privées. »
Stéphanie, animatrice CIVAM31
Au niveau national, le Réseau CIVAM accorde de plus en plus d’importance aux questions ici soulevés, notamment grâce au travail de la commission « Femme/Genre » et au document de positionnement rédigé et adopté en 2021. Le message est clair : Le travail des femmes en milieu rural (qu’il soit agricole ou dans d’autres secteurs) doit être (re)valorisé, le pouvoir équitablement réparti dans les instances de pouvoir (actuellement, une majorité des membres sont des hommes), l’accès à la formation et aux outils facilité pour les femmes et la répartition des tâches plus équitable.